=⇒ Principe
L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ». Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas transmissible à cause de mort.
=⇒ Tempéraments
Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments
L’article 617, al. 3 dispose que « l’usufruit s’éteint […] par l’expiration du temps pour lequel il a été accordé »
À l’analyse, il est deux situations où l’usufruit n’est pas viager : lorsque, d’une part, il est assorti d’un terme stipulé par le constituant et lorsque, d’autre part, il est constitué à la faveur d’une personne morale
=⇒ L’usufruit est assorti d’un terme stipulé par le constituant
Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette hypothèse, l’usufruit s’éteindra :
La seule limite à la liberté des parties quant à la fixation du terme de l’usufruit, c’est l’impossibilité de transmettre l’usufruit à cause de mort.
=⇒ L’usufruit est constitué au profit d’une personne morale
Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.
Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que « l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
=⇒ Principe général
L’article 617, al 4 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire »
Cette cause d’extinction de l’usufruit correspond à l’hypothèse d’acquisition :
Soit de la nue-propriété par l’usufruitier Soit de l’usufruit par le nu-propriétaire Soit de l’usufruit et de la nue-propriété par un tiers Lorsque cette acquisition procède de l’accomplissement d’un acte juridique, la consolidation est subordonnée à la validité de cet acte. En cas d’irrégularité, le démembrement produira à nouveau tous ses effets.
L’acte opérant cette consolidation peut consister en une cession, une donation, un legs, un échange et plus généralement en toute opération translative de propriété.
=⇒ Cas particulier de la vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriéte
D) La renonciation
Proche du mécanisme de la consolidation, la renonciation de l’usufruitier à son droit est une cause d’extinction de l’usufruit. Elle peut prendre plusieurs formes.
En effet, la renonciation peut être :
Conventionnelle ou unilatérale Onéreuse ou libérale En tout état de cause, il est admis que la renonciation emporte mutation d’un droit réel. La raison en est que la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à aucun impôt ou taxe que lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier (art. 1133 CGI).
Aussi, lorsque la réunion a lieu avant l’expiration du terme convenu pour la durée de l’usufruit ou avant l’expiration normale de celui-ci par le décès de l’usufruitier, par l’effet d’une renonciation de l’usufruitier ou d’une convention quelconque, l’impôt de mutation est dû sur la convention intervenue.
En outre, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, obligation est faite au renonçant d’accomplir toutes les formalités de publicité foncière en application de l’article 28 du décret du 4 janvier 1955, faute de quoi l’acte de renonciation sera inopposable aux tiers.
Enfin, l’article 622 du Code civil prévoit que « les créanciers de l’usufruitier peuvent faire annuler la renonciation qu’il aurait faite à leur préjudice. ».
Autrement dit, si l’usufruitier agit en fraude de leurs droits, ils pourront demander la réintégration de l’usufruit dans son patrimoine pour mieux pouvoir l’appréhender en cas de mise en œuvre de procédures d’exécution forcée.
E) Le non-usage
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par le non-usage du droit pendant trente ans ».
Il ressort de cette disposition que, à la différence du droit de propriété qui est imprescriptible, le droit d’usufruit succombe sous l’effet de la prescription extinctive dont le délai est fixé à trente ans. Ce délai court à compter du dernier acte accompli par l’usufruitier.
Il est indifférent que l’usufruit s’exerce sur un meuble ou un immeuble : la prescription extinctive produit ses effets dès lors qu’est constaté le non-usage de la chose.
A contrario, cela signifie que dès lors que l’usufruitier exerce son droit d’user et de jouir de la chose, même très rarement, le jeu de la prescription extinctive est neutralisé.
Plus précisément, cela suffit à l’interrompre et donc à effacer le délai de prescription acquis et faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.
À cet égard, il importe peu que l’acte interruptif soit accompli par l’usufruitier lui-même ou qu’il soit accompli par un tiers en son nom (locataire, mandataire, etc.)
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu de la prescription acquisitive attachée à la possession, ce qui a pour conséquence de faire perdre à l’usufruitier initial son droit de jouissance sur la chose.
L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.
Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien objet de la possession.
=⇒ Principe
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la perte totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »
La perte de la chose a donc pour conséquence de mettre fin à l’usufruit, car le privant d’objet.
Cette perte peut consister :
À cet égard, les auteurs assimilent à la perte de la chose, le cas où elle ferait l’objet d’une modification qui l’altérerait dans ses caractères essentiels et qui la rendrait impropre à l’usage auquel elle était destinée (V. en ce sens Aubry et Rau).
En outre, l’article 624 du Code civil envisage le cas particulier de l’usufruit portant sur un immeuble.
Cette disposition distingue, selon qu’est ou non inclus dans son assiette le sol.
Dans cette hypothèse, en cas de destruction du bâtiment, l’usufruit pourra continuer à jouir du sol et des matériaux
Dans cette hypothèse, en cas de destruction du bâtiment soit par incendie ou par un autre accident, ou qu’il s’écroule de vétusté, l’usufruitier n’aura le droit de jouir ni du sol ni des matériaux. Enfin, le texte précise que seule la perte totale de la chose a pour effet d’éteindre l’usufruit. Lorsque, par conséquent, cette perte n’est que partielle, les droits de l’usufruitier subsistent, l’assiette de l’usufruit s’en trouvant seulement réduite.
L’article 623 du Code civil prévoit en ce sens que « si une partie seulement de la chose soumise à l’usufruit est détruite, l’usufruit se conserve sur ce qui reste. »
=⇒ Exception
Par exception, il est admis que lorsque la perte de la chose donne lieu au paiement d’une indemnité, l’usufruit se reporte sur cette indemnité par le jeu d’une subrogation réelle.
Pour rappel, cette forme de subrogation réalise la substitution, dans un patrimoine, d’une chose par une autre.
Il en va ainsi lorsqu’un bien mobilier ou immobilier dont est propriétaire une personne est remplacé par une somme d’argent correspondant à la valeur du bien remplacé.
La subrogation réelle est susceptible d’intervenir dans trois situations distinctes :
La perte de la chose donne lieu à l’octroi d’une indemnité d’assurance La perte de la chose a pour cause une expropriation pour cause d’utilité publique dont la contrepartie est le paiement d’une juste et préalable indemnité. L’article L. 13-7 du Code de l’expropriation prévoit en ce sens que « dans le cas d’usufruit, une seule indemnité est fixée, le nu-propriétaire et l’usufruitier exercent leurs droits sur le montant de l’indemnité au lieu de les exercer sur la chose. » La perte de la chose donne lieu au paiement de dommages et intérêts
L’article 618 du Code civil dispose que « l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut être déchu de son droit lorsqu’il commet un abus de jouissance.
Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.
Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne dont il répond.
Au nombre des fautes constitutives d’un abus de jouissance, l’article 618 vise expressément :
Les dégradations sur le fonds Le dépérissement du fonds par manque d’entretien Dans un arrêt du 12 mars 1970, la Cour de cassation a de la sorte validé la décision d’une Cour d’appel qui avait jugé que « Dame veuve X était responsable de la ruine des immeubles soumis à son usufruit “même si x… Michel avait la charge de faire procéder en même temps qu’elle a des travaux confortatifs “, a constaté qu’un défaut d’entretien, remontant à dix-neuf années et imputable à l’usufruitière, avait entraîné la détérioration du gros œuvre des immeubles » (Cass. 3e civ. 12 mars 1970).
De son côté, la jurisprudence a admis qu’une le changement de destination du bien soumis à l’usufruit était susceptible de constituer un abus de jouissance.
Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est, en effet, fait obligation à l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans l’acte de constitution de l’usufruit.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.
C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit » (Cass. 3e civ. 4 juin 1975, n°74-10777).618